Une table débordant de Saveurs

Dans les cuisines de Reinhold Wrobel

Texte
Daniel Bauchervez
Copyright
Chalet Hotel Schönegg
Parution
Hiver 2023-2024

L’Hôtel Schönegg est un oiseau rare. Aimanté par le Cervin, l’unique Relais & Châteaux de Zermatt réunit sous un même toit — enneigé — cadre exceptionnel, qualité de service, confort irréprochable, accueil familial chaleureux et table d’exception. Son nom coule de source : Saveurs.

C’est un grand chalet posé en léger surplomb du village, pas tout à fait nid d’aigle, mais déjà bien au-dessus du plancher des vaches. Avantage aux mieux perchés : Alpes à gauche, Alpes à droite, Cervin dans l’axe, la terrasse infinity précédant l’établissement n’a que peu d’égales en termes de panorama. Beaucoup de bois et de balcons, beaucoup de fenêtres aussi : des chambres comme de la salle à manger, l’œil est ici constamment à la fête.

Dans le club très fermé des Relais & Châteaux, la table compose évidemment une part essentielle de la partition. Au Schönegg, la pierre angulaire, c’est le restaurant Saveurs. 14 points. Mieux que bien, a encore tranché le guide Gault&Millau dans sa dernière édition, millésime 2024. « Un avantage pour recruter les talents et une motivation pour conserver les meilleurs éléments », constatent Line Février et Sebastian Metry, le dynamique jeune couple à la tête de l’établissement. Un surcroit de pression, aussi, pour le chef Reinhold Wrobel, qui s’ingénie, plus que jamais, à soigner les présentations de ses plats.

Un chef à la discrétion assumée
Le chef allemand, arrivé en Suisse en tout début de carrière depuis sa Bavière natale, officie derrière les fourneaux de la maison depuis désormais plus de deux décennies — après avoir patiemment gravi l’échelle des postes et des valeurs, d’Ascona à Davos en passant par St. Moritz et Gstaad. Parmi ses souvenirs les plus mémorables : quatre saisons au Castello del Sole, un autre Relais & Châteaux, aux côtés d’Othmar Schlegel, meilleure table du Tessin. Nommé sous-chef au Chalet Hotel Schönegg en 2000, il en a pris la direction deux ans plus tard, pour ne plus la quitter.

À la croisée des chemins, Reinhold Wrobel aime tendre des passerelles entre traditions et modernité, entre produits régionaux et air du temps. « En surprenant, toujours », précise-t-il modestement. Peu habitué aux couvertures de magazines, l’homme n’est pas un grand bavard, mais il est précis et déterminé. Doué d’une constance de coucou suisse. Viandes, poissons, légumes, rien n’échappe à sa technique et son inspiration. « Mon cheval de bataille, cela dit, ce seraient plutôt les entrées froides, qui autorisent le plus de créativité. J’aime travailler le contraste des saveurs et des textures, entre sucré et salé, entre crémeux et croustillant, entre cru et cuit, épicé et doux. »

L’iconique coq au vin valaisan
« Nous essayons d’acheter nos produits dans un rayon de 150 kilomètres maximum », précise le chef. Tout ou presque est donc suisse et bien souvent valaisan, à l’image du sandre alpin, des filets de perche de Rarogne et de la viande séchée, provenant de chez Molinari Sempione dans la région du Simplon.

Le plat signature ? Le coq au vin assurément, élevé au maïs dans le Valais et mariné deux jours durant dans le pinot noir (avec épices et légumes), avant d’être cuit sept heures à 69° C. Pour lui tenir compagnie : purée de pommes de terre et légumes-racines. Complexe à préparer, mais simple à apprécier ! Tout le reste, ou presque, change selon le marché et l’inspiration du moment, à commencer par le menu dégustation en quatre plats, qui évolue quotidiennement. Une attrayante déclinaison végétarienne a même été récemment ajoutée, qui puise dans le même vivier de produits locaux, valaisans et suisses.

Une cave pour œnophiles avertis
Chez les Metry, on a la vigne dans le sang. Du côté de Varen, sur l’autre versant de la vallée du Rhône (parfaitement exposé au soleil du Sud), la famille cultive depuis quatre générations ses propres arpents de Pinot noir et de Fendant. Une paille : 2’000 bouteilles par an, pas plus.

Œnophile passionné, Sebastian Metry a constitué une cave hors du commun réunissant plus de 5’000 bouteilles et 400 références. Il y a là l’une des plus belles collections zermattoises de Romanée Conti et de Bordeaux, dont du Petrus 1988, mais aussi — et surtout — un remarquable choix de crus valaisans, petits et grands, connus et méconnus, qu’il s’ingénie à faire découvrir. « Beaucoup de vins de super haute qualité », précise-t-il. Envie de goûter ? Rien de plus facile : au restaurant Saveurs comme au bar Uncorked, la maison offre une fort belle sélection au verre, dont plusieurs grands crus ! Sebastian invite même parfois habitués et passionnés à la cave pour des apéritifs entre connaisseurs. Sacrément convivial pour un Relais & Châteaux.

schonegg.ch