L’art de se mettre à table
Zermatt côté étoilés
Si la Suisse est un paradis pour foodies, Zermatt en est un peu l’étendard. D’une année sur l’autre, le chiffre varie légèrement, mais ne descend jamais de ses sommets avec, cette année encore, 315 points cumulés au Gault&Millau pour 22 tables classées !
Côté papilles, aucune station du pays ne lui arrive à la cheville. Avec sa pléthore de bonnes tables éparpillées entre cœur de village et alpages, Zermatt mange (très) bien. Classiques stuben aux bonnes odeurs de fromage fondu, chalets faussement rustiques, gastronomie inventive de haut vol, tables exotiques, options végétariennes (même en menus)… On est vraiment là dans l’embarras du choix, sur fond, souvent, de produits locaux de saison. Petit palmarès.
The Omnia
La salle est élégamment épurée, la terrasse panoramique et la cuisine fantastique. « Découverte de l’année 2025 » de Gault&Millau, le chef André Kneubühler a fait gagner deux points à la maison (17 points) depuis son arrivée il y a à peine deux ans ! « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années », dit l’expression, taillée par Corneille. Elle va comme un gant à ce jeune chef de 31 ans formé à l’école de la grande Tanja Grandits, maîtresse d’orchestre du Stucki de Bâle. On retrouve à l’Omnia la même religion des produits d’exception, de saison, les mêmes impeccables présentations, déclinées sur fond de menus d’essence végétarienne, que peuvent néanmoins enrichir poissons et viandes.
After Seven
Étoilé Michelin et récompensé des mêmes 17 points par Gault&Millau, l’After Seven, à l’Hôtel Backstage, caracole en tête des meilleures tables de Zermatt depuis des années, sous la direction du chef Florian Neubauer, secondé par l’excellent Patrik Simon. Le fruit d’un travail d’équipe. Entre le décor théâtral signé de l’architecte-artiste et maître des lieux Heinz Julen, les passages des chefs en salle, l’atmosphère décalée et le menu surprise en cinq ou six temps, dîner ici tient toujours un peu de l’aventure. Une chose est sûre, le haut degré d’inventivité, tant gustatif qu’en terme de présentation, n’altère en rien les équilibres et les accords, toujours parfaits. Au choix : vins valaisans ou internationaux.
Ristorante Capri
Le ballet est désormais bien rodé. L’hiver, saison morte en Italie, une partie de l’équipe de Salvatore Elefante quitte les cuisines d’Il Riccio, table renommée de l’île de Capri, pour s’installer dans celles du Mont-Cervin, doyen des palaces de Zermatt (ouvert en 1852). Née de la pêche du jour, la table d’Elefante a toujours été marquée par l’instant et par une certaine simplicité revendiquée. Cette cuisine débonnaire, toute tournée vers le plaisir, on la retrouve mise en musique par Vincenzo Tedeschi, sur un rythme peut-être un peu moins frénétique, faisant la part belle à quelques classiques indémodables du maître, comme les ravioli caprese et les taglioni aux gambas de Mazara del Vallo et asperges de mer. Une partition qui vaut 17 points et 1 étoile au Capri made in Zermatt.
Alpine Gourmet Prato Borni
Il y a, d’abord, le cadre historique prestigieux du Grand Hotel Zermatterhof (fondé en 1879), aimant intemporel à personnalités et têtes couronnées. Il y a aussi la vue plein cadre sur l’église Sankt Mauritius depuis la salle aux hauts plafonds, lustres et vénérables boiseries. Côté cuisine, une nouvelle ère s’est ouverte cet été avec l’arrivée surprise du chef Stefan Lünse, ancien du Lenkerhof Gourmet Spa Resort (Relais & Châteaux). Au menu, désormais ? Une cuisine tout en complexités et contrastes de goûts, cultivant les produits locaux et parfois oubliés sur des techniques d’ailleurs, en collisions parfois surprenantes. Convaincant : l’établissement a conservé ses 16 points et son étoile Michelin.
Brasserie Uno
Il n’y a pas si longtemps, elle affichait encore 13 points au Gault&Millau. La hausse est spectaculaire : dans la dernière édition du guide, la Brasserie Uno atteint 16 points ! Jolie ascension, renforcée par 1 étoile Michelin. De brasserie, elle a d’ailleurs surtout le nom — et un caractère certes un peu plus informel que les autres belles tables de la station. Pas de carte, ici. Dans leur cuisine ouverte, le Mexicain Luis Romo et l’Italien Tommaso Guardascione dessinent un unique menu surprise en six temps, qui déborde d’idées insolites et de produits locaux de saison. Bien plus qu’un repas, une démonstration énergique de leurs talents, en trois heures et demie d’alchimies.
Saveurs
2025… année de changements ! Après le Zermatterhof à l’aube de l’été, c’est à la table maîtresse du Chalet Hôtel Schönegg — le seul Relais & Châteaux de la station — de passer en de nouvelles mains. Déjà sous-chef dans l’établissement depuis un an, l’Alsacien Max Latt a repris les commandes cet automne. Sa mission : confirmer les 15 points récemment obtenus au Gault&Millau, en puisant dans son expérience de voyageur les notes fusion qu’il affectionne tant. Pour le servir, la maison s’enorgueillit toujours de l’une des plus belles caves de la station, faisant honneur aux crus des propriétaires-vignerons, valaisans, renforcée de superbes Bordeaux et Bourgogne. En prime, de jour : une vue spectaculaire sur le Cervin.
Bazaar
Voilà un nom diablement bien choisi. Pour le décor, déjà : des banquettes semées de coussins et baignées de soleil ici (face montagnes), un espace décoré de luminaires en céramique et de bibelots exotiques là. Pour la carte aussi, bien sûr, puisant dans le vaste espace géographique étiré entre Chine et Moyen-Orient tout un éventail de petits plats à partager. Mezzés, momos (raviolis d’inspiration tibétaine), dim sum (« bouchées » cantonaises), le tout 100 % végétarien, la carte invite à picorer un cocktail en main. Détonnant : l’East, mariant bourbon, dattes, grenade, eau de rose et citron ! Tout un voyage. Michelin acquiesce d’un Bib — et tant pis si le Bazaar joue désormais plus la carte lounge que pur restaurant. À côté: le Madre Nostra italien.
Marmo
Voilà le petit nouveau Gault&Millau. Un outsider, perché sur les hauteurs, à Furi, qui a su convaincre par ses trois ingrédients phare : vue, gourmandise et fraîcheur. Good vibes, food and wines, dit la devise maison. Le lieu semble marcher tout en contrastes : cadre ancien et équipe jeune, simplicité revendiquée mais produits de qualité, cuisine de toujours secouée de rafraîchissantes innovations, plats en fonte et belles céramiques, vins d’ici et d’ailleurs. Par moments, ce sont les effluves des cinnamon rolls qui attirent, au détour du chemin. À d’autres, on vient pour les rendez-vous fixes : la fondue au fromage (option truffe) les mardis soirs d’hiver, le schnitzel (escalope viennoise) le jeudi. Et pourquoi ne pas redescendre en luge, après ?