L’Horloge fleurie de Genève

Dites l’heure avec des fleurs

Texte
Claude Hervé-Bazin
Copyright
Lucien Fortunati | Gauvin Lapetoule | Genève Tourisme
Parution
Juillet 2024

Aussi emblématique que le proche jet d’eau, L’Horloge Fleurie incarne l’esprit de Genève: élégante, toujours à l’heure et parfaitement fidèle à l’esprit des horlogers suisses, qui se sont toujours efforcés de magnifier le décompte du temps.

Elle est là, sur sa butte, tournant le dos au lac et aux vieux vapeurs, face au Quai du Général-Guisan, à l’entrée du Jardin Anglais. Un tapis de fleurs sur gazon britannique immaculé, aux arabesques romantiques, enluminé comme un livre d’heures.

C’est en Suisse, croit-on savoir, que la première horloge fleurie au monde fut conçue : c’était en 1900, au pied du grand hôtel des Avants, au-dessus de Montreux. Celle de Genève, fruit d’une initiative d’une association de bijoutiers-horlogers, date de 1955. Créée par l’architecte paysagiste Armand Auberson (père de la roseraie du Parc La Grange), elle a connu plusieurs incarnations au fil du temps : cadran unique, adjonction d’autres cadrans décalés ou superposés (2002), puis retour aux sources en 2017 — l’esthétique en tête.

L’horloge réimaginée
Cette année-là, le mécanisme de l’horloge est rénové et de nouvelles aiguilles aux reflets argentés (en fibre de verre) installées, remplaçant celles, tubulaires et noires, des années antérieures. Leur forme Dauphine trahit le mécène : Patek Philippe. L’horloger star sort alors le grand jeu… trois jeux d’aiguilles, précisément ! L’Horloge en profite pour s’offrir des systèmes d’arrosage intégré et de sécurité. Quiconque approche trop près déclenche désormais sonnerie et lumières, tandis qu’un signal informe la police de l’intrusion.

Le nouveau concept, aussi joli soit-il, est plus consommateur de fleurs que jamais. Là où il en fallait environ 6’500 auparavant, il en faut parfois désormais plus de 12’000 — produites de manière durable au Centre horticole de Vessy. L’essentiel sert à dessiner les jolies frises de volutes qui encadrent l’Horloge. Des alternantheras, souvent. Le centre, lui, n’est pas très vorace malgré ses 5 m de diamètre et 15,7 m de circonférence : quelques centaines de plantes en général — et autant de santolines pour tracer les chiffres.

Sous Haute Surveillance Horticole
Les cinq jardiniers du Service des espaces verts de la ville (SEVE) attachés à l’Horloge parlent de mosaïculture. À chaque saison son design. Primevères dès mars souvent, pensées en avril-mai, bégonias et/ou succulentes (adaptées à la sécheresse estivale) à partir de juin, puis retour des pensées pour l’automne et l’hiver. Un travail de titan, à vrai dire. Et un casse-tête lorsque les anniversaires sont inscrits en lettres de fleurs aux couleurs de l’institution célébrée — comme le rouge et le blanc, à l’été 2022, pour commémorer les 160 ans de la Croix-Rouge. Quelles plantes voudront bien résister durant cette saison ? Genève ayant abandonné depuis des années les produits phytosanitaires, il s’agit aussi de veiller au grain. Chasser les insectes voraces. Éviter maladies et champignons. Tailler. Remplacer les plantes en mauvais état. L’équipe s’y consacre au moins deux fois par semaine.

Cet été, l’horloge s’habille en ophiopogons, echeverias, bégonias et coléus foncés. On imagine déjà un beau camaïeu de violet et de vert — renforcé par le contraste des chiffres en coléus jaunes. Pour les jardiniers : une semaine de travail, au moins.

geneve.ch