La passion du ski

Vail Resorts plébiscite Crans-Montana

Texte
Philippe D. Monnier
Copyright
Kim Leuenberger
Parution
Août 2025

À la tête des opérations de Vail Resorts en Suisse, Mike Goar estime «qu’un réseau européen plus étendu apportera une importante valeur ajoutée aux 2,4 millions de détenteurs de l’Epic Pass».

Basée à Broomfield dans le Colorado, Vail Resorts a été fondée en 1997 autour d’une activité phare : la gestion de stations et de domaines skiables urbains — aux États-Unis d’abord, puis au Canada, en Australie et maintenant en Suisse. Son produit d’appel ? Le forfait multi-stations Epic Pass, détenu par plus de 2,4 millions d’utilisateurs. Cotée à la Bourse de New York, la compagnie, qui emploie quelque 55’000 personnes, a commencé son extension européenne en 2022, en Suisse, à travers l’acquisition d’une participation majoritaire dans Andermatt-Sedrun Sport AG — en partenariat avec Orascom Development. L’année suivante, elle renforçait sa présence dans le pays en procédant de même avec CMA S.A., la société Remontées Mécaniques Crans Montana Aminona. Vail Resorts a par ailleurs conclu des accords de coopération (sans prise de participation) avec d’autres stations emblématiques comme Verbier 4 Vallées.

L’arrivée de Vail Resorts au pays des Helvètes a naturellement suscité des débats. Le juste moment, pour helvet magazine, d’interviewer Mike Goar, vétéran de l’industrie du ski et Chief Operating Officer de la société en Suisse.

Vail Resorts a commencé son expansion européenne en Suisse, d’abord avec Andermatt, puis Crans-Montana. Pourquoi la Suisse? Il y a des années que Vail Resorts a décidé de faire de son expansion en Europe une priorité stratégique. Nous avons toutefois pris le temps de la réflexion, évaluant les différentes opportunités et procédant de manière respectueuse, afin de minimiser tout risque de sentiment négatif de la part des communautés locales. Les acquisitions sont en tout état de cause complexes à mettre en œuvre, les sociétés de remontées mécaniques possédant souvent des structures de propriété complexes réunissant de multiples actionnaires.

La Suisse était-elle votre premier choix en Europe? La Suisse faisait partie de nos priorités et s’est révélée notre meilleur point d’entrée. Avec le recul, nous ne pouvons que nous féliciter de ce choix. Andermatt et Crans-Montana ont été d’excellents ajouts au portefeuille de l’Epic Pass, et les communautés locales nous ont chaleureusement accueillis.

Envisagez-vous de poursuivre le développement de votre réseau de stations de ski en Europe? Absolument. Nous sommes convaincus qu’un réseau européen plus étendu apportera une importante valeur ajoutée aux 2,4 millions de détenteurs de l’Epic Pass. Durant nos évaluations, nous privilégions les stations de taille moyenne à grande qui offrent des expériences haut de gamme, une infrastructure solide, un accès pratique par avion et une marque à fort impact. Pour autant, nous souhaitons que ces stations restent accessibles aux familles locales.

Avez-vous une préférence pour l’achat (de sociétés de remontées mécaniques par exemple) ou le partenariat? Nous privilégions généralement les prises de participation majoritaires, qui nous permettent de gérer plus directement les investissements et les relations avec l’ensemble des parties prenantes. En Suisse, nos actionnaires minoritaires, à l’instar de la municipalité de Crans-Montana, jouent un rôle extrêmement positif et constructif. Pour autant, notre partenariat avec Verbier 4 Vallées est lui aussi inestimable, et nous espérons qu’il durera toujours !

En terme de culture d’entreprise, constatez-vous des différences notables entre l’industrie du ski américaine et suisse? Étonnamment, nous constatons plus de similitudes que de différences. Le cœur de mission reste le même : offrir une expérience-client exceptionnelle, investir dans les infrastructures et le personnel, et fidéliser la clientèle. La différence serait que, aux États-Unis, en plus des remontées mécaniques, nous sommes généralement aussi propriétaires et exploitants des services auxiliaires — écoles de ski, magasins de location, restaurants sur pistes. En Suisse, ces services sont souvent détenus de manière indépendante. Cela étant, compte tenu des importantes synergies, nous avons acquis nombre d’entre eux en Suisse ; à Crans-Montana, par exemple, nous exploitons désormais dix restaurants. Cela nous permet de répondre à la diversité des demandes de notre clientèle — du haut de gamme aux options familiales —,
tout en optimisant les opérations grâce à la centralisation des achats et la flexibilité du personnel.

Votre objectif est-il de posséder le plus grand nombre possible de sociétés de services auxiliaires? Certes non ! Les restaurants indépendants, souvent tenus par des familles locales, apportent une touche d’authenticité et de variété que nos clients apprécient beaucoup. Notre rôle serait plutôt de soutenir ces entreprises et de travailler avec elles pour contribuer à renforcer l’attrait de la destination.

Existe-t-il des synergies entre vos deux stations suisses? Oui. Nous partageons activement les meilleures pratiques, non seulement entre Andermatt et Crans-Montana, mais globalement, dans toutes nos stations. Notre personnel d’Andermatt a récemment prêté main forte à Crans-Montana durant la Coupe du Monde ! Et, plus largement, la promotion conjointe de nos stations renforce leur visibilité bien au-delà de leurs capacités individuelles.

Envisagez-vous d’acquérir et d’exploiter des hôtels ou des appartements en Suisse? Non. Nous nous concentrons sur l’expérience de ski et les services qui y sont liés. Bien que nous ayons déjà exploité des hôtels ou des appartements aux États-Unis, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il valait mieux, en Suisse, rester concentrés sur notre cœur de métier. En d’autres termes, bien que nous soutenions les propriétaires d’hôtels et d’appartements, nous n’avons pas l’intention de nous en rendre acquéreurs ni d’en gérer nous-mêmes.

Que pensez-vous de l’image parfois véhiculée des détenteurs de l’Epic Pass, considérés comme de riches Américains prêts à traverser la moitié du monde juste pour aller skier? La plupart des détenteurs de l’Epic Pass ne sont pas particulièrement riches, mais ils sont passionnés ! Pour beaucoup de résidents de la côte est-américaine, le temps de voyage et les frais pour venir skier en Suisse sont très comparables à ce qu’ils seraient pour se rendre au Colorado. Skier dans les Alpes est souvent un rêve et parfois même une occasion unique dans la vie.

Quelle est la proportion de détenteurs de l’Epic Pass dans vos deux stations suisses? Je ne peux pas divulguer de chiffres exacts. Cela dit, si nous constatons une hausse importante du nombre de visiteurs américains, la plupart des clients fréquentant nos stations suisses sont des locaux et ne sont pas titulaires d’un Epic Pass. Pour vous donner une idée, à Andermatt, la proportion de nuitées de skieurs américains est passée de 3 % à 11 % après notre implantation.

Les services Premium, comme l’accès aux meilleurs pistes et restaurants, seront-ils réservés aux détenteurs de l’Epic Pass? Non ! Si l’Epic Pass se décline en plusieurs niveaux, tout le monde est traité sur un pied d’égalité une fois dans la station. Notre but est d’encourager la pratique du ski, pas de créer de zones d’exclusivité en montagne.

Quelle politique tarifaire appliquez-vous pour les forfaits journaliers et saisonniers en Suisse? Nous nous alignons avec les normes et les attentes du marché suisse, de sorte à rester compétitifs par rapport aux autres stations du pays. Une politique de prix américaine en dehors des États-Unis n’aurait pas de sens.

En terme concret, les forfaits journaliers sont restés pratiquement stables (CHF 89). Nous avons seulement ajusté les tarifs du forfait annuel à Crans-Montana (passé de CHF 500 à 1’000), de sorte à ce qu’ils reflètent mieux la réalité du marché. Mais, bien sûr, les résidents locaux ont droit à des réductions spéciales.

Les activités estivales font-elles partie de votre vision stratégique, en particulier à la lumière du changement climatique? Elles sont tout à fait dans notre ligne de mire. Cela étant, pour l’instant, nous nous concentrons sur les activités hivernales. Nous planifions nos offres estivales à long terme, en particulier à Andermatt, mais nous n’avons pas encore d’investissements prévus dans ce domaine.

vailresorts.com