
Rue du Rhône
Retail therapy
Tirant un trait entre le fleuve et les abords de la place des Eaux-Vives, sur 1,2 km, la rue du Rhône collectionne les (très) belles enseignes, juste en retrait du lac. On y cultive l’opulence et l’élégance, entre grandes marques planétaires et horlogers légendaires.
Il y a bien longtemps, la grève s’étendait à quelques pas, face aux entrepôts de fourrage et aux ateliers des charpentiers de marine. Suivirent les brasseries populaires, l’Hôtel de l’Écu, les premiers grands magasins et les « palais bancaires » en pierre de taille.
Celui d’UBS, au n°8, donne le ton, avec ses lions altiers et puissants et son bas-relief de Zeus en aigle enlevant Ganymède. Juste en face, Boucheron (n°13) et Christian Louboutin (n°17), jambes croisées et semelles rouges en vitrine, ouvrent le bal du shopping. Entre les deux : L.Raphaël (n°15), le spa porté à sa plus haute expression. Armani s’est adjugé le n°19, Tiffany & Co. le n°21, dans son écrin de métal et de verre donnant sur l’interminable banc circulaire de la place du Rhône — 60 m, recto verso, un œil sur le fleuve.
Horlogerie, bijouterie, mode : la trilogie de la rue du Rhône
Bvlgari est en vis-à-vis (n°30) et, en diagonale, Blancpain, Breguet et Piaget (n°40) inaugurent l’entrée dans le monde feutré de la haute horlogerie. Longines est juste derrière, Chopard au n°27, Omega au n°31, IWC au n°48 et Jaeger-Le-Coultre au n°56. Chez Graff (n°29), ultra-exclusif, ce sont les diamants, les gemmes et les parures les plus exceptionnels qui scintillent — en concurrence avec Van Cleef & Arpels au n°31. Accueil invariablement prévenant, discrétion, temps rarement compté, le service à la genevoise assure. Derrière le conseiller de vente, bien souvent, le passionné sommeille.
Tout ce qui brille et scintille est là, au cœur le plus luxueux de la rue du Rhône. Tir groupé pour les marques françaises : Vuitton (n°33), Cartier (n°35), Hermès (n°39) et Chanel (n°43) installés coup sur coup dans les années 2000 à coups de millions, Saint-Laurent (n°84) aussi… sans oublier Fendi (n°62). Explosant le concours de vitrines, Dior (n°60) s’est offert en 2024 un nouveau flagship store aux six pétales monumentales, signé Christian de Portzamparc — avec salons privés aux deux niveaux supérieurs.
L’horloger Richard Mille occupe son propre navire amiral au n°78, face au paquebot Patek Philippe (n°41), bâti en 1892 — la référence de la haute horlogerie, aux salons grand siècle tout en lustres et velours théâtraux. Quelques petits fours, peut-être, pour aider à faire son choix ? Au n°45, Bucherer, l’un des plus grands distributeurs du monde, complique encore l’équation. Et puis il y a Hublot (n°46), à l’orée de la place de Longemalle — où, jadis, se dressaient marché au bétail et halle au grain. D’autres bancs circulaires y enserrent les platanes, rade et grande roue d’un côté, Vieille-Ville de l’autre.
Versace (n°90), Gucci (n°92) et Prada (n°49), le pâté de maisons suivant est plutôt italien. S’insèrent Céline (n°47), à l’épure très contemporaine, Montblanc et l’horloger F.P.Journe, qui s’est offert ici le luxe d’un restaurant étoilé — confié aux bons soins du chef Dominique Gauthier. Un bistrot généreux au chic décontracté, cultivant en semaine (seulement) ses panneaux de bois rétro et les produits locaux. Parfait pour se remettre de cet extravagant défilé. À moins de préférer un verre au rooftop lounge du proche Hôtel Métropole. De là-haut, derrière les frondaisons du Jardin Anglais, s’épanchent le lac et son jet d’eau.