Un café glacé et une brasse

sur les traces de Rousseau

Texte
Samia Tawil
Copyright
Genève Tourisme
Parution
Juillet 2025

« Je me promenais avec une espèce de volupté, savourant chaque instant comme une éternité » Jean-Jacques Rousseau, Les Rêveries du promeneur solitaire

On oublie parfois à quel point la plume du philosophe genevois a marqué l’esprit de la ville, contribuant à aiguiser l’esprit critique qui la caractérise encore — avant de rappeler, sous une encre devenue plus magnanime, l’importance de savoir s’imprégner de l’instant présent… Alors marchons. Parcourons la Genève de Rousseau le temps d’une balade estivale, en laissant résonner en nous les sagesses de ce promeneur solitaire et révolté.

Le fil de l’existence du philosophe se déroule depuis le cœur de la Vieille-Ville, au 40 Grand-Rue, où il vécut de 1712 à 1717, ainsi que le rappelle une plaque commémorative. Cette discrète demeure, devenue Maison Rousseau et de la littérature (MRL), abrite une exposition permanente multisensorielle et multilingues à travers l’univers de l’auteur — mais aussi à travers ses combats sociaux, émaillés de citations visionnaires qui interrogent sur les défis d’aujourd’hui… L’espace accueille expositions temporaires, débats et lectures d’auteurs généralement romands. Au programme cet été, notamment : une visite guidée dominicale sous la thématique « Rousseau, lanceur d’alerte » et une soirée hommage au poète Philippe Jacottet, le 30 juin. L’occasion de découvrir le nouvel espace café du rez-de-chaussée, dont l’atmosphère feutrée invite à se laisser le temps de lire…

Pause dans la Vieille-Ville
Juste en face, le café et English Bookstore Pages & Sips se présente presque comme le pendant littéraire anglophone de la MRL. Poussons cette jolie porte verte… À droite, des livres du sol au plafond ! À gauche, un comptoir débordant de succulents scones, cookies et parts de gâteaux acidulés semblant tout droit parachutés de Sydney… Une tranche de la culture du café à l’australienne, portée avec passion par Emily Aubry, globe-trotteuse helvético-australienne. Fief des écrivains flâneurs et des digital nomads en semaine, le lieu met le laptop au ban le week-end ! Une initiative qui aurait sans doute plu à Rousseau, forçant les addicts à ranger leur workaholism au placard et à s’immerger dans la joyeuse symphonie des conversations animées, sur fond de rengaines d’Abba.

L’immanquable Île Rousseau
Au pied de la colline fondatrice, les rues basses mènent au pont des Bergues — où une passerelle invite les flâneurs à se laisser dériver vers cette île minuscule, plantée à l’orée du Rhône. Un Rousseau pensif, tout de bronze (dû au sculpteur James Pradier), y trône depuis 1835, plume en main, à l’ombre des platanes et face aux eaux turquoise où barbotent les cygnes. Un vrai havre de paix, permettant d’admirer Genève sous les peupliers et les saules… Le secret du bonheur, peut-être ? Chaque été, un pop-up café-restaurant éphémère fait revivre le joli pavillon historique (1912) ; une initiative chapeautée par le Four Seasons Hotel des Bergues, réservant aux visiteurs une pause gourmande sous le signe de la surprise.

Pèlerinage rive droite
Des terrasses habillant les pavés de grès de la rive droite, on remonte la rue Rousseau — nommée par erreur à une époque où l’on croyait que le philosophe y était né ! Il vécut néanmoins à deux pas, de 1718 à 1722, au 28 rue de Coutance, y développant son amour de l’écriture. Un grand magasin Manor, érigé malgré l’opposition des habitants du quartier et de l’élite intellectuelle, occupe les lieux depuis 1967… L’auteur du Contrat Social se retourne-t-il dans sa tombe ?

Pour retrouver l’esprit du maître, une pause méditative s’impose dans l’un des jolis établissements de spécialités indépendants — et si originaux — qui ont récemment fleuri dans ce quartier romanesque. Pourquoi pas chez Calico, pour son café de qualité servi par des passionnés, ou chez Christie’s Bakery, le temps de savourer une délicieuse pâtisserie ukrainienne ? À quelques pas, place Grenus, le Baristar propose une palette de boissons multicolores, chaudes ou glacées, allant du latte à la fleur de pois (bleu !) au matcha vert pastel ! Et puis il y a, au 8bis de la rue de Coutance, Madame (n°2), une nouvelle option de brunch branché.

Le temps de la baignade
Volontiers naturaliste à ses heures, partisan des bienfaits de l’eau, Rousseau aimait fréquenter les rives des lacs. Et si, à son époque, on ne se baignait guère, rien n’interdit, dans un esprit de liberté qu’il n’aurait sans doute pas renié, de s’autoriser un bon bain — un livre et une serviette dans le sac, bien sûr !

À la Jonction, spectaculaire confluent du Rhône et de l’Arve, les Genevois ont taillé leur petit coin de paradis estival, loin du tumulte, le temps d’une pause bronzette sur fond de concerts reggae ou autres mélopées proposées par le DJ du jour... À quelques pas, les couleurs si distinctes des deux cours d’eau s’embrassent en silence.

D’un coup de mouette (petit bateau), la rade est traversée. Cap sur l’effervescente plage des Eaux-Vives, inaugurée en 2020. Ce ban de galets jetés vers le Léman donne des airs de Côte d’Azur à la rive gauche genevoise, à côté de sa rafraîchissante lagune et d’une roselière — nées d’un projet de renaturation urbaine.

Un peu plus loin (10 km), la belle plage d’Hermance, à l’atmosphère plus familiale, accueille le festival Jazz sur la Plage les 8 et 9 août. De quoi satisfaire les hédonistes et âmes créatives de tous âges, entre châteaux de sable et solos de saxophone !