
Hôtellerie genevoise : une tradition séculaire
« La clientèle de loisirs est devenue majoritaire »
Née en 1893, la Société des Hôteliers de Genève regroupe environ 90 établissements, représentant 85 % de l’offre de la ville. Rencontre avec son Président, Jean-Vital Domézon, également directeur général de l’Hôtel d’Angleterre Geneva.
Comment se porte la branche hôtelière à Genève ?
2023 a été une année record avec 3,5 millions de nuitées, dépassant même les années prépandémiques. Cette dynamique positive se poursuit en 2024 et un nouveau record pourrait même être établi.
Par ailleurs, depuis 2022, douze nouveaux hôtels ont vu le jour à Genève, représentant un accroissement de 18 % du nombre de chambres. Pour les quelque 130 établissements de notre canton, cela s’est toutefois accompagné d’une diminution du taux d’occupation, surtout en ville de Genève. Celui-ci s’élève en moyenne à 64 %, ce qui est bas comparé aux 70 % et plus des années fastes et aux plus de 90 % d’une ville comme New York.
Comment décririez-vous les clients typiques des hôtels genevois ?
Avant la crise du coronavirus, les hommes et femmes d’affaires représentaient 70 % de la clientèle, le reste étant constitué par le marché des loisirs. Cependant, durant la pandémie, les premiers se sont habitués à la visioconférence et aux économies qui en découlent. La clientèle de loisirs est ainsi devenue majoritaire. Pour les hôteliers, ce n’est pas un mauvais développement, car ces clients paient généralement plus cher leurs chambres, alors que les clients d’affaires reçoivent souvent des rabais de volume.
Quelles sont les principales opportunités et défis de l’hôtellerie genevoise ?
Genève a beaucoup à offrir et le tourisme pourrait se développer encore davantage. Un des défis réside dans la crainte des résidents genevois face au surtourisme, comme en témoigne leur opposition à l’extension de la durée des Fêtes de Genève.
La difficulté de recrutement constitue un autre challenge. Beaucoup d’employés ont quitté notre branche pendant la pandémie pour embrasser d’autres activités moins exigeantes. Heureusement, la situation s’améliore progressivement et le salaire minimum brut de 26 CHF par heure (4’090 CHF bruts par mois) facilite le recrutement, même s’il pèse sur les finances des hôteliers.
Quelles sont les incidences des tensions géopolitiques sur la fréquentation des hôtels genevois ?
Notre clientèle provient avant tout de Suisse (26 %), des États-Unis (13 %), du Royaume-Uni (8 %) et de France (9 %). Les pays du Golfe ne représentent que 6 %. Par conséquent, l’impact des conflits au Moyen-Orient — et en Ukraine-Russie — sur le nombre de nos nuitées reste pour l’instant limité.
Que pensez-vous des plates-formes du type Booking, Expedia et Tripadvisor ?
En tant que plates-formes de réservation en ligne, Booking et Expedia sont un mal nécessaire. Je dirais même qu’elles sont incontournables, car elles génèrent entre 30 % et 50 % des réservations des hôtels genevois. Du fait de leur position dominante, elles sont souvent capables d’imposer des commissions importantes et la parité des prix (non plus pour des raisons contractuelles, mais grâce à leur pouvoir de négociation).
Quant au système de notation Tripadvisor, il est également incontournable, car il guide souvent les clients dans leur choix d’hôtel. Non seulement je lis tous les commentaires sur TripAdvisor concernant mon hôtel, mais je me fais aussi un point d’honneur à y répondre personnellement et à les prendre très au sérieux. Le seul point négatif est, dans de rares cas, le «chantage» de la part de certains clients.
Quid de la disparition du Salon de l’auto (GIMS) ?
Dans le passé, quatre grands salons se tenaient à Genève durant les six premiers mois de l’année : GIMS, Vitafoods, Watches and Wonders et EBACE (European Business Aviation Convention & Exhibition). Il ne reste plus que les deux derniers. À mon avis, il est essentiel d’attirer de nouveaux salons, spécialement durant les premiers mois de l’année, qui correspondent à des périodes creuses pour les hôtels.
Je sais bien qu’en cas de forte demande, les prix des chambres peuvent doubler, mais mon organisation pousse les hôteliers genevois à raison garder pour contribuer à l’attractivité de ces événements. Nous encourageons également les organisateurs de Watches and Wonders à étaler leurs jours d’ouverture sur une plus longue période, afin que l’ensemble de leurs visiteurs puissent trouver des chambres à Genève plutôt que hors de nos frontières.
Quelles sont les entités nationales ou cantonales en charge d’attirer des clients pour les hôtels genevois et comment sont-elles financées ?
Sur ce point, l’office du tourisme de Genève joue un rôle prépondérant malgré son budget bien inférieur à celui de son homologue zurichois. Genève a un désavantage naturel : nous avons un lac, une histoire et de belles possibilités de shopping, mais il nous manque des montagnes enneigées pour faire partie de l’imagerie traditionnelle de la Suisse touristique. Malgré cela, environ 10 % du tourisme suisse est à Genève.
L’office du tourisme de Genève est financé par les taxes de séjour (facturées aux clients hôteliers) et par la taxe de promotion touristique (payée par les entreprises qui bénéficient du tourisme). Cependant, ses moyens sont insuffisants et il faudrait augmenter son budget, notamment pour accroître la visibilité de Genève au niveau de Suisse Tourisme.
Comment voyez-vous l’avenir du secteur hôtelier à Genève ?
Très positivement, même si je m’attends à deux rééquilibrages. L’accroissement de l’offre hôtelière devrait générer une petite réduction des tarifs des chambres, mais les nombreuses rénovations en cours devraient contribuer à accroître l’attractivité de Genève.