
Arctic Bath
Immersion polaire
Est-ce un vieux fort sibérien ? Un gâteau d’anniversaire aux bougies entremêlées ? Un îlot boisé voguant sur l’œil d’un lac gelé ? Non, c’est un hôtel. Architecture, nature, tout surprend, ici.
Le Cercle Polaire est à 50 km à vol d’oiseau, l’aéroport le plus proche à une bonne heure de route, à Luleå, près de l’extrémité nord du golfe de Botnie. Une belle balade blanche en compagnie distante du large fleuve Lule, borné par des rideaux de bouleaux et une campagne figée à l’herbe jaune et aux fermes de bois rouge éparses. Sur le goudron, la neige pulvérulente, figée par un froid vigoureux, s’envole en nuages à chaque passage.
Une fenêtre sur l’Arctique
Avec à peine plus de 2 habitants par kilomètre carré, la Laponie suédoise fait partie des terres les moins peuplées d’Europe. On ne s’y bat pas pour un coin de verdure : on y plonge corps et âme dans une nature sans entrave, sans jamais vraiment savoir ce qu’y réservent les blizzards. À Noël, le jour se lève vers 10 h 15 pour se coucher… dès 13 h. Parfait pour se blottir l’un contre l’autre et plonger les yeux dans les nuits étoilées et les danses des aurores boréales.
Les plus frileux les chassent du regard depuis le loft de leur vaste suite terrestre sur pilotis (62 m2), plaquée d’une immense baie vitrée couvrant l’entièreté de la façade. Les téméraires, bien emmitouflés, s’aventurent sur la grande terrasse de leur chambre-îlot (24 m2), arrimée à la berge par une passerelle de bois, avant de courir se réchauffer auprès du poêle…
In sauna veritas
Entre terre et eau, l’hôtel Arctic Bath se partage entre 6 land cabins de luxe très spacieuses, plantées à distance les unes des autres au gré de la rive, et 6 water rooms plus intimes, rappelant ces cabanes de pêche blanche que les Américains tractent sur les lacs gelés du Minnesota
— chauffage et salle de bains en plus. Semblant flotter l’été, elles sont soudées à la terre ferme, l’hiver, lorsque le fleuve se nappe d’un demi-mètre de glace.
Les troncs enveloppant l’îlot central de l’hôtel — rappelant les barrages qui se formaient naturellement du temps où l’on flottait le bois — se figent alors en cils géants encroutés de givre. Au centre, se détache une pupille-jacuzzi aux eaux glacées. Et, tout autour, sous leur écorce : trois saunas, des bains chauds et une salle de soins, dispensant leur chaleur et leurs douceurs revigorantes. On y pénètre courbé, en pénitent, pour en ressortir ragaillardi, prêt à affronter une nouvelle vague de froid et des tombereaux de flocons.
Le monde merveilleux de la neige
Elle est leur identité, leur calamité et leur meilleure amie. Les Sámis, dit-on, ont plus de 200 mots pour la décrire. La croûte cassante du sabekguottát dans laquelle on s’enfonce, celle du tjarvva solidifiée par le vent qu’apprécient les rennes, la divine poussière de neige du habllek, le slievar encore bien poudreux, les pentes vierges baptisées åppås…
Début mars, gidádálve, « l’hiver-printemps », est là. Les jours rallongent, le mercure remonte et les skis glissent merveilleusement sur le grand manteau blanc. Les chiens tirent avidement sur leurs harnais et les motoneiges ronronnent dans un brouillard de flocons pulvérisés.
Jour après jour, les activités, les soins, la cuisine saine et locale, la paix environnante apportent leur pierre à l’édifice. Les tensions s’évacuent et l’âme se libère. Jusqu’à en oublier la route solitaire qui relie cet îlot arctique au monde — et la nécessité d’y retourner.