Zermatt gastronomique

Panorama des meilleures tables

Texte
Claude Hervé-Bazin
Copyright
Grand Hotel Zermatterhof | CERVO Mountain Resort | Schweizerhoff Zermatt
Parution
Hiver 2023-2024

Peu de lieux au monde peuvent se targuer de recenser autant de restaurants classés pour un si petit nombre d’habitants. Tradition, gastronomie contemporaine pétrie d’inventivité, adresses exotiques, il y en a pour tous les goûts, sur fond de produits locaux ultrafrais.

Aucun doute, on mange bien à Zermatt. Parmi les quelque 150 établissements répertoriés, entre station et alpages, le guide Michelin a décerné 4 étoiles et le Gault&Millau a classé… 21 maisons, pour un total de 298 points ! Un chiffre en constante augmentation, qui place le village loin, très loin devant la concurrence. Pour célébrer cet héritage, Taste of Zermatt (tasteofzermatt.ch) organise des manifestations culinaires, dont une randonnée gourmande à la découverte des restaurants d’altitude — qui aura lieu cet hiver le 27 janvier à Findeln. L’occasion de profiter d’un autre point fort des tables zermattoises : le panorama.

Spécificité locale, beaucoup de bons restaurants sont liés à des hôtels. La plupart n’ouvrent que pour la saison, de fin novembre ou début décembre jusqu’en avril.

Les stars culinaires et les étoiles montantes
À l’heure de dîner chic à Zermatt, l’embouteillage menace… Certes pas dans les rues, où ne résonnent que les grelots des chevaux, mais, vraiment, quelle table choisir ? Au palmarès gastronomique, l’Alpine Gourmet Prato Borni (1 étoile Michelin et 16 points) du Grand Hôtel Zermatterhof jongle entre deux menus de référence éminemment inventifs, l’un très locavore, l’autre voyageur. Le wine pairing est ici un must : Peter Zimmermann a été élu « sommelier de l’année » 2023. Presque aussi bien noté (15 points), le restaurant du très chic Omnia puise au même vivier alpin d’exception, sur des notes fortement végétariennes, mais sans rien s’interdire. À l’Hôtel Backstage, l’After Seven (lui aussi étoilé et nanti de 17 points) conjugue cuisine de haut vol et cadre fantasmagorique pensé par le proprio-architecte Heinz Julen — qui s’invite régulièrement en salle. Au menu surprise : beaucoup, beaucoup de surprises ! Trois étages en dessous, le Diner’s Club (15 points) rejoue la partition au légendaire Vernissage dans une atmosphère musicale décontractée. Plus traditionnel, Le Restaurant, au Mont Cervin Palace (14 points), se spécialise dans les poissons et fruits de mer sur des notes franco-méditerranéennes. Au Chalet Hôtel Schönegg, griffé Relais & Châteaux, Saveurs (14 points) décline menu en quatre temps et courte carte, servis par une fabuleuse collection de vins — notamment valaisans. En prime, de jour : le Cervin plein cadre.

Récemment gratifié d’une Green Star, la Brasserie Uno (1 étoile Michelin et 14 points) propose un unique menu surprise, privilégie le bio et épouse fidèlement le rythme des saisons. Végétariens et végans y sont comblés. Le Potato Fine Food Restaurant se veut lui aussi 100 % locavore et ne met en avant que des vins du Valais — plus quelques (très) grands crus venus d’ailleurs. Plus discret, l’hôtel 22 Summits accueille les convives du jeudi au samedi soir autour d’un menu remarquable composé par le chef Zermattois Alain Lerjen, baptisé Soulfood by Alain. Ses plats signature ? La soupe au fendant et le brie aux truffes maison.

Les traditionnels, en station
Séjourner dans le Valais sans s’offrir une fondue, une raclette ou un bon vieux potage à l’orge et à la viande séchée (IGP) serait un peu comme ignorer le jet d’eau à Genève… Heureusement, les restaurants traditionnels, nappés dans leur rustique mais chaleureuse carapace de bois vieux, ne manquent pas au cœur du village. Au sommet de la liste : le bien joli Schäferstube, le Walliserstube Zermatt, le Whymper-Stube, le Swiss Chalet (si charmant) et le discret mais centenaire Café du Pont.

Parmi les plus cotés en ville, le Restaurant Julen (avec cheminée) tente le grand écart entre tradition et cuisine d’aujourd’hui. À l’hôtel CERVO, le Ferdinand revisite aussi la partition dans un cadre contemporain, autour (notamment) de fondues personnalisables à l’abricotine ou à la poire. Surfant sur la même piste, l’incontournable et intimiste Saycheese! dit bien de quoi il retourne : ici, c’est fromage à tous les étages — et fondue, surtout.

L’agneau local est la vedette Chez Heini (14 points), grillé au charbon de bois, de même qu’à l’Im Hof — qui se fournit dans la ferme Julen de moutons à nez noir. La recette tout feu tout flammes s’applique aussi chez Spycher (la viande est découpée à la table), entre fusils et trophées de chasse, Chez Max Julen, au Grill Le Cervin (14 points) et au 1818 Eat & Drink
(13 points) décoré par l’incontournable Heinz Julen. Aux portes de Zermatt, le Sonnmatten (13 points) est spécialiste des Wiener Schnitzel. Chez Filet & Fils, c’est le tomahawk. Quant à The Grill, très locavore, il prépare ses propres jambon cru, viande séchée et saumon fumé. Petite spécificité : ici, le cadre joue plutôt le rouge britannique et le vert bouteille !

Les restaurants de montagne (panoramas inclus)
Là-haut sur la montagne, une cinquantaine de cabanes, stübli, restaurants, bars et selfs permettent aux skieurs, lugeurs et simples esthètes de se régaler dans le plus beau des cadres. Sous les yeux : le Cervin, (très) souvent, et toute sa cour alpine. Si Zermatt est réputée pour sa scène gastronomique, l’affirmation vaut aussi pour ces restaurants d’altitude : plusieurs sont classés au Gault&Millau ou au Michelin !

Direction Furi (1’867 m), carrefour des remontées mécaniques. À 45 mn de balade du centre ou 5 mn par la nouvelle télécabine, il y a là l’hôtel Silvana et son chaleureux Gitz-Gädi, où l’on se délecte de rösti, fondue, viande séchée, agneau et même cabri, bercé par le crépitement d’un bon feu. Il y a le Simi, entre tradition et cuisine contemporaine. L’Aroleid (Bib Michelin), à la cuisine interactive créative volontiers végétarienne, qui donne des cours de poterie et de barista ! L’Alm, au début du Moos-Trail, spécialiste de la truite. Et le proche Ritti, qui pourrait avoir été prescrit par votre médecin, avec son lourd toit de lauzes et sa micro-terrasse nichée entre les arbres. Ah ses rösti et sa fondue !

L’un des chemins reliant Furi à Zermatt passe par les adorables hameaux de Blatten et Zum See. À chacun ses raccards de mélèze noirci, vieux de trois ou quatre siècles. À chacun son restaurant. Le Zum See (14 points), à la touchante patine montagnarde et magnifique terrasse, navigue entre classiques alpins et cuisine fine. La spécialité ? Le foie de veau émincé aux rösti. L’attachant Blatten, plus familial encore, est über traditionnel avec sa soupe de bolets nappée de pâte feuilletée et sa soirée fondue du mercredi.

Plus haut, à 2’200 m, au pied même du Cervin, le très lumineux Stafelalp, précédé par une vaste terrasse, n’est accessible qu’à ski (par la piste rouge 52). Géré par la Maison Matthiol, il a récemment fait son entrée au classement Gault&Millau (13 points).

Côté est, le délicieux mayen de Findeln est l’un des QG gastronomiques de Zermatt, avec deux incontournables (à 14 points). Chez Vrony met superbement en valeur les produits valaisans (viande séchée maison), souvent bio, sur des notes créatives, dans une ambiance chill-out un peu chic et un décor réalisé par Heinz Julen — le frère de Vrony. En contrebas, le Findlerhof, aux terrasses panoramiques, est célèbre pour l’accueil de Franz et Heidi, ses raviolis au fromage de montagne, ses quiches et ses gargantuesques rösti Matterhorn. Trois autres établissements proches méritent une halte : l’Adler Hitta, avec musique live épisodique, l’Enzian et le @Paradise (13 points), repris par l’équipe Vrony.

Les options s’accumulent, encore. Du côté de Riffelalp (2’222 m), à l’amical Alphitta, où l’on déjeune en musique. À Blauherd (2’571 m), au Blue Lounge, tout en bois clair, bercé lui aussi l’hiver par groupes ou DJs, où l’on déjeune de simples sandwichs, tartes flambées et burgers, Cervin sous le nez. À l’étage supérieur (3’103 m !), le Rothorn Ristorante Pizzeria ne déçoit pas. Mais on lui préfère Fluhalp : une solide et amicale cabane de montagne des années 1930, aux assiettes valaisannes, fondues, rösti, pâtes maison et tartes à se lécher les babines…

Sur des notes voyageuses
Station internationale s’il en est, Zermatt voyage aussi par l’assiette. L’Italie voisine inspire. Elle rayonne au Capri (1 étoile, 17 points), à l’excellent Madre Nostra du CERVO (14 points) et, sur des notes plus informelles, au Vieux-Valais da Nico (excellentes pizzas au feu bois), chez Grampi’s (même punition) et au Chalet da Giuseppe.

Au Bistro Zermama et à la Zermatt Kitchen (liée à l’Aroleid), le monde entier s’invite à la table, entre choléra (une tourte poireaux-pommes de terre valaisanne), mezzés, superfoods et notes asiatiques. On brunche chez l’un comme chez l’autre. Sous le feu des projecteurs, le très tendance Bazaar by CERVO (Bib Michelin) privilégie non seulement les cuisines de monde (tendance moyen-orientale), mais aussi les plats végétariens à faible impact
environnemental.

Carrément exotique ? Le Golden India est reconnu comme l’un des meilleurs restaurants indiens de Suisse. Chantre de la fusion nippo-péruvienne, La Muña a gagné ses 13 points au Gault&Millau. China Garden en a 14. Et puis Zermatt compte aussi deux restaurants 100 % japonais : le Myoko (13 points), qui déménage cet hiver au Schweizerhof, et le Shogun, dont l’intérieur de bois épuré évoque une auberge campagnarde nippone. Sacré voyage !