Un effort titanesque de 160 km

La plus dure des courses d’aviron est genevoise

Texte
Olivier Dufour
Copyright
Loris von Siebenthal / Société Nautique de Genève
Parution
Hiver 2023-2024

Chaque année, une centaine de rameurs et rameuses rejoignent la Société Nautique de Genève à la fin septembre pour y vivre une aventure hors du commun. Le plus ancien et plus prestigieux club du lac organise alors le BCGE Tour du Léman à l’Aviron, une infernale épreuve sportive disputée dans un décor paradisiaque.

Le jour vient juste de poindre sur un Léman encore calme en ce dernier week-end du mois de septembre. Stagnant au large de la Société Nautique de Genève (SNG), une flotte silencieuse d’une vingtaine d’embarcations attend son heure. Ramené aux proportions d’une perche flânant sous la surface de l’eau, il pourrait s’agir du siège de la ville par une armada de galères romaines. La chiourme qui se trouve à bord et manie les avirons n’a pourtant pas d’intentions belliqueuses, bien qu’elle s’apprête à souffrir profusément, au cours d’une odyssée unique au monde : le BCGE Tour du Léman à l’Aviron.

Devenu incontournable pour les adeptes de la longue distance, le tour du lac à la rame a été créé en 1972 pour célébrer le centenaire de la SNG — née autour d’un club d’aviron, avant d’intégrer au fil du temps trois autres sections (Cercle de la voile, Yachting léger et Hélice). Longue de 160 km, cette circumnavigation lémanique de Genève à Genève, passant par Le Bouveret et des points de contrôle disséminés sur chaque rive, forme la plus longue épreuve du monde en bassin fermé et sans escale ! Un authentique défi, dont le record, remontant à 2011, s’établit à 11 heures, 43 minutes et 30 secondes.

Chaque année, la course réunit rameurs et rameuses d’horizons divers. Aux quelques yolettes suisses se joignent des collectifs majoritairement venus d’Allemagne, nation dominante de l’effort long et qui a remporté quasiment toutes les éditions du tour à ce jour, mais aussi de France, des Pays-Bas, du Royaume-Uni ou de plus loin encore. Tous sont attirés par ce plan d’eau unique, niché dans un décor d’une rare splendeur. En 2022, à l’occasion de sa 50e édition, marquant le 150e anniversaire du club, la régate a accueilli la bagatelle de 26 bateaux partants, flirtant avec la limite de participation.

Pour des raisons de logistique et de sécurité — chaque yolette étant suivie par un canot à moteur — l’organisation contingente en effet les embarcations. Toutes ne rallient d’ailleurs pas toujours l’arrivée. L’épuisement ou la lassitude poussent plus d’un équipage à l’abandon. D’autres font naufrage à cause du vent, principal ennemi de l’aviron, qui forme des vagues risquant à tout moment de remplir d’eau les bateaux. Heureusement, les dispositifs de surveillance et de sauvetage lémaniques veillent au grain.

Il arrive aussi qu’il faille raccourcir le parcours, voire annuler la course, lorsque les éléments se déchaînent. En 2018, le tour s’est même exceptionnellement et sagement délocalisé sur un tronçon du Rhône, en raison de vents trop soutenus. Ce fut l’occasion pour les équipes de découvrir l’autre plan d’eau, plus discret mais pas moins beau, dont profitent les rameurs genevois. Le fleuve sert d’ailleurs de base d’entraînement au groupe compétition de la SNG, qui dispute des courses sur la distance olympique de 2’000 m.

Même si la Suisse n’est pas une nation phare de l’aviron, elle a tout de même cueilli de nombreux succès de prestige au fil des ans. Les ténors suisses actuels ont pour noms Andrin Gulich et Roman Röösli, les champions du monde en titre du deux sans barreur, qui rêvent des prochains JO, à Paris — tout comme Eline Rol, championne d’Europe et du monde M23 en 2019 et figure de proue de la Société Nautique de Genève.

Pour autant, seuls quelques rares champions de ce calibre, à l’instar du Lausannois Barnabé Delarze en 2019, se sont un jour risqués au départ du tour du lac. Cette course unique ne se laisse en effet dompter que par celles et ceux qui ont enchaîné les longues heures d’une préparation spécifique, qui tiennent un rythme de forçat durant une journée, voire une nuit entières et qui ne craignent pas de souffrir. Chiche ? Partez !

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