Genève Aéroport

L’indispensable

Texte
Philippe D. Monnier
Copyright
Swiss International Air Lines Ltd.
Parution
Hiver 2023-2024

Après la pandémie, l’aéroport de Genève a connu une forte reprise et a retrouvé son rôle moteur pour la Genève internationale. Alors que l’actuel directeur général anticipe une faible croissance, son successeur pourrait concrétiser des opportunités inattendues.

Avec plus de 142 destinations et 14 millions de passagers par an, y compris quelque 5’000 chefs d’États et ministres, l’aéroport de Genève joue incontestablement un rôle clé dans le rayonnement de la Genève internationale. Grâce au rétablissement de son réseau de connexions et à la reprise postpandémique de son trafic aérien, cet établissement public autonome d’un millier d’employés a dégagé un bénéfice de CHF 46,3 millions en 2022. Malgré l’urgence climatique, l’engouement de la population pour les voyages ne donne aucun signe de ralentissement.

Une croissance modérée du trafic passagers continental
Ces dernières décennies, l’aéroport de Genève nous avait habitué à des taux de croissance du trafic passagers de l’ordre de 5% par an. Toutefois, André Schneider, l’actuel directeur général, table sur une future croissance annuelle réduite à environ 1%. La raison de ce ralentissement ? Une saturation des lignes continentales, actuellement au nombre d’environ 130. André Schneider souligne également que l’aéroport de Genève — à l’inverse de celui de Zurich — ne peut compter que sur son seul bassin de population, car il n’est pas considéré comme un hub aérien. Ces prévisions de faible croissance auront probablement une incidence sur la politique salariale et, sur ce point sensible, des négociations sont d’ailleurs actuellement en cours.

Une ambition intacte d’accroître le nombre de vols intercontinentaux
André Schneider souhaite voir augmenter le nombre de lignes passagers intercontinentales, relativement marginales par rapport au trafic continental. Aux douze dessertes actuelles, l’idée serait d’ajouter plusieurs connexions directes vers l’Asie, l’Amérique du Nord, voire l’Afrique subsaharienne. Nécessairement confronté à d’autres aéroports européens dans cet effort d’expansion, y compris celui de Zurich, l’Aéroport de Genève pourra mettre en avant un atout rare mais particulièrement pertinent quant à la profitabilité des compagnies aériennes : ce sont les billets de première classe et de classe affaires qui se vendent le mieux pour les vols intercontinentaux en partance et à destination de Genève.

Le cas de l’Amérique latine est plus complexe et démontre l’importance de stimuler le trafic passagers dans les deux sens. En effet, s’il existe un intérêt certain pour des vols vers cette région au départ de Genève, l’enthousiasme pour les liaisons dans le sens inverse est certainement moins marqué, en raison des difficultés économiques que connaissent certains grands pays latino-américains. Or, pour préserver la réputation des compagnies aériennes comme de l’Aéroport de Genève, il est impératif de s’assurer que l’introduction d’une nouvelle liaison ne conduise pas à sa suspension moins d’un an plus tard.

Très peu de concurrence
L’Aéroport de Genève n’est pas situé à une distance considérable d’autres aéroports, notamment de celui de Lyon. Cependant, les destinations proposées diffèrent suffisamment pour qu’ils ne soient pas directement en concurrence. La véritable compétition se concentre sur les habitants des régions de Fribourg et de Berne, vivant à égale distance de la Cité de Calvin et de Zurich.

En raison de la crise climatique, le train pourrait théoriquement tendre à remplacer certains vols. Néanmoins, les temps de voyage par le rail sont souvent nettement plus longs, surtout en l’absence de liaisons directes, et les tarifs généralement plus élevés. En pratique, seuls les trajets de Genève à Paris ou Zurich sont en concurrence avec l’avion.

Savoir naviguer dans la complexité politico-administrative
André Schneider prendra sa retraite en 2024. Idéalement, son successeur devra être au bénéfice d’une combinaison fort rare de deux qualités. En premier lieu, le futur directeur général devra savoir naviguer dans une organisation infiniment complexe, régulée et politisée. En effet, en tant qu’établissement public autonome, Genève Aéroport est soumis à une législation et une gouvernance compliquées, sans parler de l’influence des différentes parties prenantes externes ; les riverains ou les écologistes ont notamment prouvé leur capacité à lancer avec succès des initiatives populaires.

Des futures possibilités de développement probablement insoupçonnées
Pour trouver un nouveau souffle, le futur directeur général devra aussi — et peut-être même surtout — être un homme d’affaires aguerri, capable de donner des impulsions puissantes à son aéroport. Les pistes sont multiples. Par exemple en développant de nouveaux services VIP ou non aéroportuaires. En attirant un pourcentage beaucoup plus élevé de passagers hautement profitables. En créant un mini-hub aérien pour certaines lignes intercontinentales. En entrant en concurrence avec des lignes continentales proposées par l’aéroport de Lyon. Ou en développant davantage l’aviation d’affaires, sur le modèle niçois. Reste aussi, comme dans toutes les grandes entreprises du monde, y compris celles aux mains de l’État, la possibilité de réduire fondamentalement les coûts et d’augmenter l’efficacité opérationnelle, principalement grâce à une refonte complète des processus.

gva.ch