
Papilles voyageuses
Les tables de Zermatt aux couleurs du monde
Aussi rares qu’elles soient, les overdoses de fromage fondu et de viande séchée ouvrent parfois la voie à des envies d’ailleurs… Bonne pioche ! Forte d’une clientèle cosmopolite, Zermatt regorge de belles adresses explorant les cuisines du monde.
Les mystères de l’Asie
À table, l’Asie fait toujours recette et les restaurants japonais plus encore. Bonne nouvelle : Zermatt n’en manque pas ! Le Shogun, à l’Hôtel Continental, décline l’essentiel des grands classiques nippons : edamame à picorer, ramens et gyozas, saumon teriyaki, mochi en dessert. Ses trois menus affichent des tarifs plutôt abordables pour la station.
Dans son nouvel écrin du Schweizerhof, le Myoko (13 points au Gault&Millau) joue, lui, la carte du teppanyaki et du comptoir à sushis. D’une part on observe les méticuleuses jongleries du chef posté devant la table de cuisson, de l’autre les cuisiniers affairés coupant et roulant nigiris et sashimis, makis et temakis. Les produits sont d’une qualité irréprochable, les céramiques élégantes et l’anguille parfaitement grillée. On retrouve un concept similaire au Fuji of Zermatt, à l’Hôtel Albana Real — où siège aussi le Rua Thai, le seul restaurant de Zermatt invitant à goûter la cuisine du Pays du sourire. Les papilles y dansent au contact de la coriandre, des feuilles de basilic, de la menthe, du citron vert, du tofu, du piment et des sauces aux huîtres ou au tamarin… Côté currys, c’est l’arc en ciel : sweet & sour, jaune, rouge et vert, du moins épicé au plus incendiaire. Ne présumez pas de vos forces !
Du thaï au chinois, il n’y a que quelques pas (600 m, plus précisément). Côté gare, le China Garden collectionne depuis des années 14 points au Gault&Millau — la meilleure note des restaurants asiatiques de Zermatt. Mobilier rouge laqué, céramiques bleu et blanc, chefs pékinois s’aventurant vers les montagnes épicées du Sichuan, on navigue ici entre aigre-doux et aigre-piquant, raviolis et dim sum (tantôt vapeur, tantôt frits), canard et bœuf croustillants, gingembre-poireaux et pousses de haricot. Les vins, eux, sont valaisans.
Tout près de là, « à 59 secondes de marche de la gare », le Golden India prouve que la cuisine indienne n’est pas que végétarienne — loin s’en faut. Attachée au Pendjab et au nord du pays, celle-ci fait la part belle aux biryanis et au tandoori — poulet et agneau marinés au yaourt et aux épices puis longuement cuits, à force de braises, dans un four en terre cuite traditionnel. Résultat ? Des viandes moelleuses et un naan (pain non levé) croquant et parfumé à souhait. Pour faire glisser le tout : une bière Cobra, ou un lassi.
Plutôt que de choisir, le bien-nommé Bazaar (by CERVO), distingué au Bib gourmand (Michelin), a puisé l’essence de sa cuisine tout au long de la Route de la Soie, entre Bosphore et mer de Chine. Houmous, aubergine grillée, momos tibétains et dim sum, on connaît peu ou prou. Mais c’est une autre histoire lorsqu’il s’agit de commander un khatchapouri (pain au fromage géorgien) ou un petit pot de muhammara libanais (pâte de poivrons grillés, noix, grenade et citron vert). Le menu aurait pu être prescrit par votre médecin : tous les plats ou presque sont végétariens et intègrent de nombreux ingrédients bio. D’ailleurs, les rares viandes sont inscrites ici dans une section « péché » !
Dans un même esprit cosy et chill (mais moins trendy), le Manud ratisse lui aussi large en Asie. Rice bowl, curry thaï au lait de coco, emblématique sandwich bahn mi, salade aux noix de cajou et coriandre, la cuisine épouse ici une large géographie. Ce qui n’interdit pas gaufres au petit déj, cocktails aux goûts du Valais et vins locaux.
Digressions américaines
L’Amérique ? La trilogie burgers-nachos-bière. Incontournables au Brown Cow Pub de l’Hôtel Post, au Republic Zermatt comme au Dude
(qui y ajoute des ribs juteux). Moins commun, La Muña (13 points au Gault&Millau), à l’Hôtel Schweizerhof, explore l’Amérique Latine en version nikkei — une fusion heureuse des cuisines péruvienne et japonaise. À la carte de la maison, ouverte seulement le soir en hiver, le crudo (cru) précède le caliente (plats chauds). Ici des ceviches et des carpaccios de poisson jonglant entre wakamé, ail noir et jalapeño, là une morue noire marinée dans un océan de miso à ne pas rater.
Au 1818 Eat & Drink, si le cadre boisé est rigoureusement valaisan, le melting-pot est incarné par le chef colombien et son acolyte péruvienne. On y commande deux-trois petits plats chacun, parmi une courte sélection du moment à partager. Chamoy (une sauce de fruits marinés) accompagnant le poulpe, cassave frite, elote revisité (un épi de maïs issu de la street food mexicaine) ou chirimoya au dulce de leche en dessert, les surprises se suivent. Pas de quoi décontenancer le Gault&Millau, qui a accordé 13 points à l’établissement.
Cap sur la Méditerranée
Le changement de régime n’exige pas forcément un grand voyage transatlantique. À l’apasTAPAS de l’Hôtel Sonne, patatas bravas, gambas al ajillo, croquetas et pimientos de Padrón ont des arrière-goûts de Barcelone — ce qui n’empêche pas la carte de leur adjoindre des « petites tapas » d’inspiration valaisanne et même asiatique ! Le vin, lui, est avant tout ibérique. Au bar de l’Ambassador, c’est pareil : pas besoin de passeport (même diplomatique) pour picorer des tapas à la chaleur du feu crépitant.
Des Italiens venus en voisins, Zermatt n’en manque pas. Michelin a étoilé le Capri, au Mont Cervin Palace — un établissement « classique et sophistiqué », où hivernent le chef et le sommelier d’Il Riccio, célèbre restaurant de l’île napolitaine. Gault&Millau renchérit, avec 17 points (record local). Capri, c’est aussi de là qu’est originaire le chef du Restaurant (revisité), logé dans le même établissement et ostensiblement tourné vers la mer.
Parmi les autres favoris, le lumineux Madre Nostra (by CERVO), 14 points au Gault&Millau, est dirigé par un chef romain et affublé d’une exceptionnelle terrasse toisant le Cervin. Le Vivanda (à l’Hôtel Unique Post) se distingue, lui, par ses produits de qualité finement sélectionnés et son grill au charbon de bois pour amateurs de viandes.
Pour un bon repas classique à l’italienne, déclinant antipasti, pâtes, viandes, poissons et peut-être pizzas, les choix ne manquent pas. À l’Hôtel Tannenhof, le Golden Lok occupe une salle en sous-sol où trône l’une des premières locomotives (dorée !) du GornergratBahn. Sans prétentions, l’Osteria Bella Italia sert ses pâtes maison avec le sourire, dans des proportions plutôt copieuses. Pasta e basta ! Même pas vrai, le slogan du Chalet da Giuseppe… Bon enfant, le lieu entasse photos et souvenirs, vieilles cartes postales et posters douteux dans les toilettes. On y vient pour le folklore, pour la carte sans complications et pour la bouteille de grappa posée sur la table en fin de repas. Simple et fraîche, la cuisine du Carina ouvre, elle, de plus vastes horizons, en privilégiant le produit et le moment. N’empêche que, pour le dessert, tout se termine sur un cannolo sicilien.
Solo per la pizza ? Le favori des locaux et des habitués, ce serait plutôt le Vieux Valais da Nico, en version napolitaine et au feu de bois. Grampi’s n’a pas grand-chose à lui envier (et explore plus largement la cuisine italienne). Et puis, des bonnes pizzas, on en trouve même au Rothorn, à 2’350 m d’altitude ! Mais ça, c’est une autre histoire.