L’art du vin au féminin

Quand les femmes reprennent le métier de papa

Texte
Isabelle Guignet
Copyright
Richard Martinez
Parution
Hiver 2024-2025

Dans le paysage viticole genevois, les femmes occupent une place de plus en plus marquée, apportant un souffle nouveau et une sensibilité unique. Alliant savoir-faire ancestral et modernité, ces vigneronnes passionnées élèvent des vins raffinés qui captent l’essence des terroirs locaux, tout en diversifiant la production.

Dans le canton de Genève, on dénombre près de 120 exploitations, couvrant 1’400 hectares de vignes — ce qui en fait l’une des plus grandes régions viticoles de Suisse. Une trentaine de ces domaines sont dirigés par une femme, seule ou en association avec un homme. 25 %, ce n’est pas énorme, et pourtant c’est déjà un progrès : historiquement, le métier de vigneron a été considéré comme masculin. Un reflet des rôles traditionnels de genre dans la société, mais aussi de la nature physique de l’activité.

Femmes et vigneronnes
À n’en pas douter, aujourd’hui, le vin se conjugue aussi au féminin. Ces trois vigneronnes genevoises, ayant toutes repris le domaine familial, ont su mettre en avant, et avec ingéniosité, la technologie au service des savoir-faire ancestraux. 

« L’homme par qui le terroir se fait vin ». La maxime de la famille Hutin, implantée à Dardagny, en dit long sur son travail. Émilienne Hutin Zumbach, représentant la 5e génération à la tête du domaine, aime être dans son vignoble et s’occuper de ses 19 hectares — traités en biodynamie — avec son fils Guillaume. Sa petite fierté ? La médaille d’or vendangée au Mondial du Chasselas (Aigle) et celle récoltée au Concours International du Gamay (Lyon), deux prix remportés en 2024 pour ces deux cépages considérés comme des « valeurs sûres ». Ces récompenses la ravissent, d’autant que la concurrence en la matière est grande. Autre distinction : le Domaine a été invité en 2009 à intégrer « Mémoire des vins suisses », une prestigieuse association qui réunit des vignerons helvétiques triés sur le volet. De quoi trinquer au succès.

Autre lieu, même son de cloche. Œnologue et vigneronne, Sophie Dugerdil a repris le Domaine familial Dugerdil Dardagny (DDD) et ses neuf hectares en 2004, avec délicatesse et soin. Ici, pas d’herbicide, pas de molécule de synthèse ! Labellisé par Bio Suisse avec la licence « Bourgeon », le domaine élève quinze différents cépages pour près de vingt-cinq crus. L’occasion de clamer : « une terre, mille saveurs » ! La gamme IndiGenève fait notamment la fierté de Sophie : pas de levures commerciales au programme, mais des levures indigènes, favorisant une fermentation spontanée. 

Du côté de Cologny, au Domaine de la Vigne Blanche, c’est plus de 100 ans d’histoire qui s’inscrivent dans les terres des Meylan. La famille y travaille d’abord les champs et y produit du lait avant que, en 1970, Roger Meylan n’y plante la première vigne, nommée « En la Vigne Blanche ». Le nom du domaine est trouvé. En 2002, sa fille Sarah Meylan Favre, œnologue de formation, le rejoint, avant de reprendre l’exploitation en 2014. La vigneronne se lance alors dans une vaste opération de diversification, passant de deux cépages en 1970 à 14 aujourd’hui. En 2016, elle obtient elle aussi le label Bio « Bourgeon », traçant plus avant la voie de ces femmes passionnées par la vigne et le vin.