Jeux Olympiques
La saga du chronométrage
Citius, Altius, Fortius. « Plus vite, plus haut, plus fort », affirme la devise olympique. Mais que serait-elle sans la précision toujours plus redoutable des instruments de mesure, témoins de records tant espérés ?
L’audience des Jeux Olympiques se mesure en milliards — ainsi l’édition Tokyo 2020 (2021), pourtant marquée par l’interdiction des grands rassemblements, a-t-elle capté l’attention de plus de trois milliards de personnes. Pour les Olympiades d’été 2024, tenues à Paris, la couverture ne s’annonce pas moins colossale. En ligne de mire : la ligne d’arrivée, justement, et les records qui pourraient bien tomber — une quête qui fait vibrer l’histoire olympique depuis plus de deux millénaires.
Des écarts infimes font parfois toute la différence, avec une émotion à son comble. En 2008, à Pékin, le nageur américain Michael Phelps remporte ainsi l’or du 100 m papillon avec 0,01 seconde d’avance. Ce résultat, comme tous les autres, dépend du chronométreur officiel — que l’on devine suffisamment sous pression pour transpirer autant que tous les athlètes réunis. Si les jeux sont faits jusqu’en 2032, avec Omega en Chronométreur attitré, la compétition entre les horlogers a longtemps été acharnée pour décompter les temps de la grand’ messe internationale du sport.
LES HORLOGERS SUISSES, CHAMPIONS D’ENDURANCE
Lors des premières Olympiades modernes à Athènes, en 1896, c’est Longines, la marque au sablier ailé, qui fournit le chronomètre. Heuer prend le relais de 1920 à 1928, se lançant en parallèle dans le chronométrage des compétitions de ski, puis automobiles. En 1932, à Los Angeles, la casquette de « Chronométreur Officiel » fait sa première apparition, portée par Omega.
Dès les années 1950, les manufactures investissent des sommes grandissantes dans le sponsoring sportif, idéal pour véhiculer une image de haute précision. En 1964, le japonais Seiko — précurseur dans la technologie à quartz —
évince les horlogers suisses et assume la responsabilité du chronométrage des JO de Tokyo. Quatre ans plus tard, à Mexico, Omega fait son retour, avant de renoncer face aux exigences de financement croissantes.
Après Munich en 1972, Longines passe également son tour. Mais la Fédération horlogère suisse intervient ; Omega et Longines font preuve d’un fairplay digne de l’olympisme et s’associent sous son égide. Ainsi naît la Société Suisse de Chronométrage Sportif — actuel Swiss Timing, propriété de Swatch Group. Heuer la rejoint un temps, développant notamment des compteurs pour les JO de 1980. Seiko remporte à nouveau le chronométrage des jeux de Barcelone, en 1992. Mais SwissTiming veille, défendant bec et ongles l’image de la Suisse horlogère. La marque japonaise continuera de se distinguer dans le chronométrage, mais dans d’autres compétitions, comme les championnats du monde d’athlétisme et le tennis.
OMEGA, DE LA LUNE AUX JO
Swiss Timing assure à plusieurs reprises le chronométrage officiel des Jeux Olympiques, mettant sur le devant de la scène les différentes marques du groupe Swatch. Mais Omega revient seul pour Turin 2006 et s’impose à Pékin. L’effet est tel sur sa notoriété — et ses ventes — en Asie, que SwissTiming lui octroie le monopole de la communication associée à l’événement. Son storytelling, jusqu’alors étroitement lié à la « Moonwatch », la première montre à avoir marché sur la Lune, s’appuie dès lors aussi sur les JO. Paris 2024 marque la 31e prestation de l’horloger en la matière.
START, STOP, RESET
Revenons un peu en arrière. En 1932, Omega emmène en Californie 30 chronographes certifiés par l’Observatoire de Neuchâtel, activés manuellement. Entre les années 1940 et 1960, une révolution électronique s’opère dans le chronométrage : les ordinateurs remplacent montres de poche et chronographes, pour davantage de précision. Trois générations plus tard (2018), l’introduction de systèmes de positionnement et de capteurs de mouvement bouleverse une nouvelle fois la donne. Aux jeux d’été de Tokyo 2020 (2021), le « Real Time Tracking System » (RTTS), puce intégrée aux dossards de certains compétiteurs, transmet des mesures en temps réel, diffusées en direct. Mieux encore, ces instruments d’analyse profitent aussi aux sportifs d’élite, créant des opportunités d’amélioration.
À Paris, ces technologies promettent d’atteindre de nouveaux sommets avec la récolte de 2’000 données par seconde et l’utilisation de caméras à très haute définition — cruciales notamment lors du photo-finish. L’intelligence artificielle entre aussi en lice, pour la première fois, permettant une interprétation de toutes ces mesures, traitées par des logiciels capables de les convertir en graphiques taillés sur mesure pour les différentes audiences. Et l’émotion au milieu de toutes ces datas ? Intacte et même décuplée : la technologie permet à des milliards de spectateurs d’apprécier encore mieux le caractère exceptionnel des performances.