Icebreaker

La nature pour guide

Texte
Claude Hervé-Bazin
Copyright
Icebreaker
Parution
Novembre 2022

Les plus belles success stories seraient-elles toujours le fruit du hasard? L’itinéraire peu banal de la marque Icebreaker et de son fondateur, Jeremy Moon, le laisse penser. Son obsession: rendre les vêtements techniques plus doux, plus agréables, plus durables.

Un beau jour de 1994, le jeune Jeremy Moon rencontre un éleveur de moutons mérinos à Pohuenui, une presqu’île si découpée de la Bay of Islands néo-zélandaise qu’elle pourrait tout aussi bien être une île à part entière. Des moutons en Nouvelle-Zélande, quoi de plus normal ? Avec six bestioles par habitant, le pays s’affiche en leader sur le créneau.

Sauf que, ce jour-là, Brian Brackenridge tend à Jeremy un T-shirt de sa confection, réalisé avec la laine de ses propres ovins. Le jeune homme l’enfile d’emblée… et ne le quitte plus. Reviennent en mémoire les années à suer en pagayant, en pédalant ou en courant. À cette époque, la mode des vêtements techniques, issus de matières synthétiques produites par l’industrie pétrochimique, est en plein essor. « S’emballer le corps dans un sac plastique pour une séance outdoor ? Très peu pour moi » décide Jeremy. Son nouveau T-shirt est confortable, costaud, léger, doux, aéré, ne sent jamais mauvais. Sacrée trouvaille : exit la laine à démangeaisons, le mérinos kiwi ne gratte pas — bien au contraire — et, comme les moutons, s’adapte à tout, des gels hivernaux aux étés assommés de chaleur !

Le mouton à cinq pattes
Jeremy revend sa maison, achète le concept, puis embarque dans l’affaire des proches et des amis de ses parents, qui mettent la main au portefeuille et au business plan. Avec une idée fixe : faire connaître tout le potentiel de cette matière magique. Quelques prototypes plus tard, 14 magasins audacieux, à travers toute la Nouvelle-Zélande, acceptent de distribuer leur T-shirt. C’est le départ d’une belle aventure qui a, depuis, amené Icebreaker à diffuser sa marque et ses produits dans plus d’une quarantaine de pays.

L’origine de son succès repose sur la philosophie d’un slogan tout simple : la fabrique de fibres Icebreaker fonctionne 24 h / 24… sur le dos de nos moutons. Chez Icebreaker, depuis l’origine, priorité absolue est donnée aux produits naturels. En d’autres termes : pourquoi inventer compliqué quand la nature a déjà tout prévu ? Pour avoir chaud, il suffit de superposer les couches de laine. Mérinos, bien sûr.

La durabilité, une valeur cardinale
Dès 1997, des partenariats privilégiés de long terme sont noués avec des éleveurs néo-zélandais — renforcés 20 ans plus tard avec la création d’un « club » d’une cinquantaine d’entre eux, sur la base de contrats décennaux. L’idée ? Gagner en visibilité et en qualité, tant pour la marque que pour les fermiers, ainsi libérés du constant diktat de l’évolution des cours sur le marché mondial. Un modèle unique dans l’industrie textile. Mieux encore : cette sécurité permet aux éleveurs de s’engager parallèlement en faveur de la régénération de la biodiversité sur leurs terres, dans le cadre du programme ZQRX de la New Zealand Merino Company — et ainsi à Icebreaker de promettre une laine durable. Les conditions d’élevage, certifiées par un organisme indépendant, garantissent parallèlement une belle vie aux animaux dans les pâtures. Happy sheep, happy shirt, dit la formule !

En 2003, l’entreprise noue des partenariats internationaux. Deux ans plus tard, le premier magasin Icebreaker ouvre à Wellington. D’autres suivent, aux États-Unis d’abord, alors que de nouveaux tissus en mérinos imprimé sont développés (une première mondiale). En 2010, autre innovation, Icebreaker adopte un traçage des matériaux qui permet à chacun de savoir de quel élevage provient la laine de son pull, de ses gants ou de ses chaussettes ! L’année suivante voit la naissance du corespun, un tissu de laine mérinos « enroulée » autour de filaments de nylon pour en améliorer la durabilité dans le temps. Suit le Cool-Lite©, mélange novateur de mérinos et de Tencel©, issu de l’eucalyptus, qui favorise le séchage, la respirabilité et la diffusion de chaleur. Puis vient le MerinoLOFT©, une doublure pour doudoune conçue à partir de fibres mérinos, le Shell+©, aussi chaud qu’imperméable au vent et à la pluie, et la technologie ZoneKnit©, qui garantit une respiration optimale des zones les plus chaudes du corps lors des efforts intenses. Décidément, dans le mouton, tout est bon !

Une compagnie devenue internationale
Une nouvelle ère se dessine. Jeremy Moon se retire graduellement et, en 2018, Icebreaker passe sous la bannière de la VF Corporation américaine — notamment propriétaire de Timberland et de North Face. Un risque de voir ses objectifs environnementaux réduits ? Bien au contraire, affirme alors le nouveau CEO, qui souligne plutôt l’influence positive d’Icebreaker sur le reste du groupe en la matière.

Chez Icebreaker, les règles sont claires : pas de PFC, pas d’acrylique et une priorité absolue aux fibres naturelles — au point d’avoir retiré des dizaines d’articles du catalogue ! Des progrès ont aussi été réalisés en matière de teintures, l’un des principaux points noirs de l’industrie textile en termes de pollution, avec le lancement d’une collection réalisée à l’aide de pigments naturels, grâce à un procédé réduisant de 65 % la consommation d’eau, sans aucun rejet de produits chimiques. Et pour mieux faire passer son message, la marque embarque un temps à son bord quelques grands noms du combat pour l’environnement, à commencer par Mike Horn et l’aventurier-nageur Ben (Benoît) Lecomte, qui tente d’alerter l’opinion sur la tragédie de la pollution marine aux plastiques.

Et maintenant ? L’horizon est clairement défini : dans le cadre de l’opération Plastic free by 23, éliminer autant que faire se peut ce qu’il reste de nylon, de polyester et d’élasthanne (Lycra) en explorant des solutions alternatives. L’objectif est en vue, avec désormais 95 % de matières naturelles dans la composition des vêtements de la marque (+11 points en quatre ans) ! « Depuis 1995, notre message a toujours été clair : la nature a les meilleures des réponses », rappelle le Président d’Icebreaker, Jan Van Mossevelde.

icebreaker.com