
Houdini
« La connaissance, l’amour, la beauté et l’espoir… »
Née à la fin des années 1980 à l’initiative d’une bande de copines, la marque de vêtements outdoor suédoise Houdini a le sens des valeurs et une conscience écologique bien aiguisée. Sa CEO Eva Karlsson nous raconte son histoire « holistique ».
« Un philosophe a dit un jour : tout ce dont nous avons besoin dans la vie, c'est de la connaissance, de l'amour et de la beauté. Je suis d'accord avec lui mais j'ajouterais que nous avons aussi besoin d'espoir. L'espoir de penser qu'un changement de mentalité est possible, que la collaboration est la voie à suivre et que nous pouvons naturellement le faire. » Ainsi parle Eva Karlsson. Cette forte femme, âgée de 53 ans, n’est ni philosophe ni figure du développement personnel, mais CEO de la marque outdoor suédoise Houdini.
Une entreprise née presque par hasard
Mal connue en Suisse, l’entreprise touche pourtant au statut-culte en Scandinavie, en Allemagne, au Japon et aux États-Unis. Elle est née à la fin des années 1980 autour d’un groupe d’amis férus d’escalade et de randonnée à ski. Des femmes surtout, dont certaines font toujours partie de l’aventure. « À l’époque, les habits outdoor étaient souvent lourds, volumineux et peu pratiques, alors ces copines se sont mises à fabriquer leur propre matériel », rappelle Eva Karlsson. Le résultat de leurs efforts, convaincant, permet à leurs articles de se faire peu à peu une — belle — place dans le petit monde du sport suédois.
L’entreprise ne voit officiellement le jour qu’en 1993. Pourquoi ce nom faisant référence au mythique magicien américain Harry Houdini (1874-1926) ? « Parce qu’en montagne, on aurait souvent envie de pouvoir se tirer d’un mauvais pas par magie, comme le faisait ce grand illusionniste », répond amusée Eva Karlsson. Les années passent, sous la direction exclusive de femmes CEO. Les bénéfices grimpent, mais l’année 2001 marque un coup d’arrêt…
Être vertueux plutôt que grand
« Cette année-là, je suis arrivée en poste et on a réalisé pleinement à quel point l’industrie textile pouvait être dévastatrice pour la nature que nous aimons tant », se souvient la Suédoise — elle-même fervente marcheuse, skieuse et « amoureuse de ces petits matins lumineux, si énergisants, qui font chanter les oiseaux... » Cette prise de conscience donne à l’entreprise l’envie de « faire partie de la solution plutôt que du problème ». Elle met alors tout en œuvre pour devenir circulaire et zéro déchet avec, en tête, cette ambition originale : « on ne veut pas être les plus grands, mais les meilleurs et les plus vertueux ! »
Chez Houdini, pas de greenwashing hypocrite ni de discours axé sur une chimérique croissance verte… À l’instar de Patagonia, la marque met un point d’honneur à aiguiser sa conscience écologique. L’iconique entreprise californienne n’est pas pour autant son modèle. « Notre véritable modèle, c’est Dame Nature. Nous voulons travailler de manière 100 % circulaire, tout comme elle le fait, assène sans sourciller Eva Karlsson. Certaines entreprises continuent à avoir un impact négatif sur l’environnement tout en reversant beaucoup d’argent à des organisations de défense de l’environnement. Pour nous, agir ainsi n’a aucun sens... »
Une entreprise « holistique »
Basée à Stockholm, Houdini compte aujourd’hui une cinquantaine d’employés pour autant de points de vente. Le chiffre d’affaires, confidentiel, est « en bonne partie réinvesti dans la recherche et le développement ». Pensés pour les « consammacteurs » soucieux d’aligner leurs actions sur leurs idéaux, les vêtements de la marque se veulent fonctionnels, utilisables dans plusieurs disciplines, élégamment sobres, à tendance intemporelle. Nulle couleur flashy ni logo voyant. Il s’agit, avant tout, de proposer des produits qui durent. Un peu chers, certes, mais conçus « pour supporter au moins 1’000 utilisations puis être recyclés », précise Eva Karlsson. Depuis une décennie, Houdini a mis sur pied un marché de seconde main pour prolonger la vie de ses habits et permettre aussi aux plus modestes de les acquérir.
Collaborant avec scientifiques de haut niveau et autres industriels en quête de durabilité, Houdini a érigé l’open source en valeur clef. Loin de breveter ses trouvailles, elle les laisse en libre accès, « convaincue que la collaboration permet d’avancer plus vite et plus loin que la compétition pure. » Et la CEO de conclure joliment : « Chez Houdini, on se vit comme des humains avant d’être des professionnels. Moi-même, je suis mère, femme, sportive, amoureuse de la nature et CEO. Ces facettes de mon identité sont imbriquées. Nous sommes une entreprise holistique respectueuse des besoins de la nature comme de ceux de nos collaborateurs. »