
Fondation Opale
Le Temps du rêve
À mi-chemin de Crans-Montana et de la vallée du Rhône, l’unique centre d’art contemporain d’Europe dédié à l’art aborigène australien célèbre en ce mois de décembre six années d’existence. L’occasion de s’entretenir avec sa fondatrice, présidente et mécène, Bérengère Primat.
Reflétée par les eaux du lac Louché, la façade de la Fondation Opale, aux 84 panneaux de verre photovoltaïque, renvoie elle-même l’image des Alpes qui l’entourent. Un jeu de miroirs qui invite déjà à la réflexion. Siège de l’ex-Fondation Pierre Arnaud, l’édifice est occupé depuis fin 2018 par la Fondation Opale. Une entité unique en son genre, née de la rencontre de plusieurs rêves.
Submergée par l’émotion
En 2002, la jeune Bérengère Primat assiste à l’inauguration à Paris d’une exposition consacrée à l’art aborigène australien. C’est le coup de foudre. Pour les œuvres, qui embrassent une quête primordiale remontant aux origines de l’homme et du monde même (elle en achète deux). Pour le commissaire de l’exposition, également… Son nouveau compagnon l’entraîne sur ces terres qu’il explore depuis de nombreuses années, au contact de la mosaïque de peuples qui, depuis 65’000 ans, ont façonné l’Australie originelle. L’Aventure, avec un grand A.
Au coin du feu, dans le désert rouge de l’outback comme dans les régions détrempées par la mousson de la Terre d’Arnhem, la création et les conversations ramènent toujours, in fine, au Rêve — Dreaming en V.O. Dans cette cosmologie complexe de traditions orales et de légendes s’exprime le fondement de toutes choses, le monde des esprits qui précède l’avènement du vivant, dicte les lois qui régissent l’univers et la place qu’y trouve chacun. Une manière, puissante, de replacer l’homme au cœur de cette Nature qui l’a façonné.
La grande cause de l’art aborigène
Héritière de la famille Schlumberger — très impliquée dans le mécénat —, la jeune femme constitue au fil de ses voyages et rencontres l’une des plus remarquables collections d’art aborigène au monde. Elle regroupe actuellement 1’540 œuvres, exposées par roulements au gré des 1’000 m2 et des deux expositions annuelles de la Fondation. Sa vocation ? « Faire connaître et reconnaître à sa juste valeur cette forme d’expression artistique », argumente Bérengère Primat. Pourquoi ? « Le premier mot qui me vient à l’esprit est Respect. Respect de la nature (dont l’Homme fait partie), du cycle de la vie, des traditions revues ‘au goût du jour’. Le deuxième serait Adaptation, car tout ce qui n’évolue pas disparaît et les artistes aborigènes ont su traduire leurs œuvres cérémonielles éphémères en peintures contemporaines — aujourd’hui vendues à ArtBasel ! »
« Les premières expositions, je les ai rêvées, se souvient Bérengère Primat. Aujourd’hui, elles sont construites au fil des conversations avec Georges Petitjean, conservateur de ma collection. » Le 15 décembre verra inaugurer Rien de trop beau pour les dieux, « une exploration de la diversité des créations liées à la spiritualité, mettant en lumière des autels et des œuvres contemporaines issues de différentes traditions religieuses. » Une manière de replacer les artistes aborigènes dans un monde de l’art global.
Une Fondation aux larges ambitions
Outre ses partenariats avec les plus grandes institutions culturelles internationales (Musée Yves Saint-Laurent de Marrakech, MUDEC milanais, Fondation Cartier, Palais de Tokyo…), la Fondation Opale consacre beaucoup de son énergie à l’organisation d’événements réguliers, ici même, à Lens : visites commentées, ateliers créatifs — tous âges confondus —, rencontres avec les artistes, conférences, projections et même théâtre.
Les derniers travaux sont à la hauteur des ambitions. La Fondation s’est récemment dotée d’une nouvelle aile à la façade reproduisant sur panneaux d’aluminium une œuvre de Jackie Kurltjunyintja Giles Tjapaltjarri, « choisie pour son caractère sacré évoquant un gardien d’une grotte de la connaissance ». Le bâtiment réunit un auditoire de 124 places (à l’acoustique superbe), une bibliothèque thématique doublée d’archives et un espace de stockage des œuvres. Tout pour accueillir le public et faire rayonner mieux encore l’art de la plus ancienne culture vivante sur Terre.