
Estelle Lagarde
Gouacheuse et guerrière solaire à temps plein
Comment crée-t-on un bijou ? En le représentant, d’abord. C’est là qu’intervient Estelle Lagarde, gouacheuse en joaillerie et horlogerie indépendante, mandatée par les plus grandes maisons. Installée à Genève, la jeune femme l’affirme : elle est « là où elle a toujours souhaité être ».
Difficile, dans le milieu, de ne pas connaître celle qui est aujourd’hui demandée par de nombreuses marques horlogères et joaillières. Son travail ? Mettre en image une idée. Réaliser, avec la plus grande précision et le plus grand réalisme possibles, le dessin qui sera présenté au client et servira de base de travail au joailler. Des jours d’une tâche minutieuse, exigeant à la fois technicité et sens artistique.
Sa renommée, elle l’a construite via les réseaux sociaux, expliquant aussi bien son activité que sa reconstruction identitaire et psychique (à la suite d’une dépression).
Du haut de ses trente ans, la Savoyarde a connu un parcours un peu tourmenté. Elle qui n’aimait pas l’école, aux portes de l’échec scolaire, trouve à l’adolescence un stage « super cool » auprès d’un artisan de sa bourgade, spécialisé dans les Croix de Savoie. C’est la révélation. Suit un apprentissage en école spécialisée et, à son terme, une fantastique formation chez Van Cleef & Arpels à Paris. Les pierres scintillent dans ses yeux. On lui propose un poste fixe — une offre qui ne se refuse pas. Elle y travaille la gouache à Paris, puis l’émail sur cadran à Meyrin, sur le tout nouveau Campus genevois de Haute Horlogerie de Genève, où la marque a installé une partie de ses ateliers. Ici débute son histoire avec la cité de Calvin et son aventure d’indépendante.
Genève, terre d’accueil
Proche de sa famille et de ses repères en Haute-Savoie (où elle vit encore), Genève l’accueille et lui permet de s’épanouir. La jeune femme explore la ville de long en large, y cherche — et trouve — l’inspiration au bord du Léman, sur les quais, du côté du Pont de la Machine. Son spot préféré ? Un simple banc au Jardin anglais, vue sur le lac. « Cet endroit me ressource, j’y fais le point et m’y sens vraiment bien ».
Au fil des années, les rencontres avec les responsables du monde de l’horlogerie l’enrichissent. Une, plus que d’autres, lui reste en tête et au cœur : celle de François-Henry Bennahmias, l’ex-dirigeant d’Audemars-Piguet. Son « ange-gardien », le nomme-t-elle délicatement. La douce et timide Estelle souhaitait tout mettre en œuvre pour lui présenter son travail. Elle crée ainsi une œuvre gigantesque qu’elle lui offre en surprise au Brassus. Les larmes aux yeux, l’artiste évoque ce moment si phénoménal pour elle. « J’ai senti qu’il avait compris que j’avais souffert par le passé » confie-t-elle. Le CEO, bienveillant, est touché par Estelle et la motive à se battre. « J’ai l’impression qu’il a cru en moi, et son regard sur mon travail m’a énormément boostée. C’est ce qu’il fallait pour que je continue à me surpasser ! »