Loris von Siebenthal
Un photographe dans le vent
Un pied sur les rives du Léman, un autre sur les côtes bretonnes. Devenu navigateur et photographe au contact des embruns de l’Atlantique, Loris von Siebenthal est passé maître dans l’art d’immortaliser les marins et leur monde.
« Je devais avoir 10 ans quand j’ai reçu mon premier appareil photo, se souvient Loris. Au début de l’adolescence, j’ai découvert le développement photo en noir et blanc… dans la baignoire familiale — vite abimée par les sels d’argent. C’est là que le virus s’est vraiment emparé de moi. Pouvoir saisir une scène, la reproduire en l’interprétant et voir l’image renaître dans ma salle de bains grâce à la chimie, c’était chouette ! »
Ses vacances au nord de la Bretagne exposent le jeune homme aux fougues de l’océan. Les rochers, les vagues, les marées l’enchantent. « La photographie est devenue un moyen de partager la fascination que j’éprouvais pour ces atmosphères sauvages », confie-t-il. Une manière, aussi, de raconter le monde de la voile qu’il découvre, si hermétique aux terriens. Loris se jette à l’eau dès qu’il le peut. Dériveur, windsurf, puis croisière et régates, il fait ses classes et gravit les échelons. À 24 ans, il embarque pour un premier tour de France à la voile avec le Centre d’Entraînement à la Régate genevois. Quatre autres suivront, entre cordages et appareils photos. Le jeune navigateur se rapproche aussi d’Éric Monnin, le roi du match racing européen.
La nouvelle ère de la voile suisse
L’époque est marquée par l’émergence du team Alinghi, propulsé sur le devant de la scène par Ernesto Bertarelli sous les couleurs de la Société Nautique de Genève. Loris rejoint le skipper et photographe Philippe Schiller sur la base Alinghi d’Auckland, en 2003, à la veille de l’America’sCup. Le voici aux premières loges pour immortaliser les galops d’essai du syndicat suisse et les équipes concurrentes.
L’incroyable victoire d’Alinghi sur Team New Zealand (5-0) précipite la voile helvétique dans une nouvelle réalité. La discipline se professionnalise, entraînant des milliers de jeunes dans son sillage, tandis que le lac Léman se mue en terrain de jeu des plus grands marins. Loris, lui, s’embarque dans une nouvelle aventure à domicile, sans en mesurer encore vraiment la portée : le voilà photographe officiel du Bol d’Or Mirabaud, la plus importante régate en bassin fermé du monde. Un clin d’œil du destin… L’année précédente, le jeune homme et son team ont fini seconds de l’épreuve, lors d’une édition mémorable marquée par un gros orage « qui avait décimé toute la flotte ».
Loris ajoute à son portfolio un titre de photographe officiel du circuit de match racing. Une activité commerciale se développe en parallèle, au profit de multiples grandes entreprises. Sa marque de fabrique ? Quitter le studio pour photographier in situ, dans les environnements les plus complexes. « Créer une petite équipe pour monter un studio photo en haut d’une montagne, c’est mon kif ! » s’enthousiasme Loris. L’approche lui vaut en 2016 le Prix « Cube » Best of Advertising, pour une campagne en faveur de la BCGE. Sa cote professionnelle est renforcée en 2019 par le prix Mirabaud de la Best sports sailing photo of the year, le Nobel de la photographie de voile, pour l’image d’un catamaran affrontant des vents de près de 60 nœuds sous un ciel très menaçant, lors de l’épique Bol d’Or 2019 — décimé lui aussi par un violent orage. Un événement et une série de clichés qui lui valent également le Swiss Press Photo Award 2020. Vive la tempête !
La force des éléments transcende la photographie de Loris von Siebenthal. « Au fil des ans, j’ai développé une bonne quantité d’images témoignant de rencontres entre des lieux et des lumières, qui nous racontent la taille de la nature. Une manière de partager ma perception enthousiaste de notre environnement, auquel je tente de rajouter un zeste de poésie », déclare l’intéressé, plus impliqué que jamais dans ce travail aux dimensions très personnelles. « Un retour aux sources », en quelque sorte.